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PARIS BOMBARDÉE

En mars 1918 Paris fut bombardée, mais nul bombardier allemand ou zepplin n'était en vu. Il s'avéra que les obus étaient tirés par canon. La surprise fut énorme.

Quelques minutes après nous filions dans la direction de Paris.... Des Spads évoluaient à toutes hauteurs et nul allemand ne paraissait! Pourtant les parisiens restaient terrés et les sans fils annonçaient, à intervalles réguliers, la chute d'un projectile... L'après-midi, un message téléphonique annonçait que Paris avait été bombardée par canon, et chacun de rire tant la nouvelle paraissait invraisemblable... Il fallut pourtant admettre bientôt son existence et beaucoup de sceptiques de la première heure furent parmi les plus ardents protagonistes - Capitaine Fonck - Mes Combats - Chapitre XXIX Paris bombardée

Les allemands avaient en effet créé un canon capable de bombarder Paris à 120km de distance. Décidée en 1916, la mise au point du canon par la direction de l'artillerie navale (qui s'occupait des canons de gros calibres utilisés sur le front) et les ingénieurs de Krupp se fit dans un secret absolu. D’abord baptisé Wilhelm Geschutz (canon de Guillaume), puis parfois le Long Max, les parisiens le baptisèrent Grosse Bertha, dénomination qui est restée.

Combiné à une offensive allemande, ces coups devaient démontrer la puissance du Reich et démoraliser les civils à l'arrière.

atelier

En cours de montage dans les ateliers de Krupp:

 

Le super canon: Les ingénieurs de Krupp utilisèrent un tube de 380 long de 17m, dans lequel ils introduisirent un tube de 210 qui dépassait de 11m le précédent. A l'extrémité du tube de 210, on vissa un autre tube de 210, mais à âme lisse (innovation importante). Le canon mesurait 34m de long et pesait 138 tonnes. On introduisait 250kg de poudre en gargousse dans une chambre de 5m de long.

Avec une telle charge de poudre, l'usure du canon était trés rapide, et les ingénieurs avaient calculés que chaque pièce pouvait tirer 65 coups, aprés quoi le canon devait être rechemisé. On eut alors l'idée de numéroter les obus et d'accroitre progressivement leur poids, le dernier pesant 15kg de plus que le premier. 

Les obus étaient de calibre 210 et contenaient une charge de 7kg d'explosifs. Avec les canons rechemisés, les obus étaient de calibre 240 et contenaient une charge explosive de 8,66kg.

Le canon était acheminé par chemin de fer. Seul le tube lisse était démonté et transporté séparément. L'affut de transport à 18 essieux d'un seul tenant pesait à lui seul 256 tonnes. A l'arrivée, cet affut de transport prenait appui sur une plateforme fixe, amenée sur place en six éléments, et qui comportait une plaque tournante sur roulement à bille. Un portique démontable qui se déplaçait sur deux voies parallèles à la voie principale permettait de visser le canon de 210 lisse. Le tout était placé sur de solides fondations en béton.

detail

 

Balistique: Le super canon fut installé dans la forêt de Crépy-en-Lannois, prés de Laon. Pointé sur Paris, le tube faisait un angle de 52°. L'obus partait avec une vitesse initiale de 1578m/s. Après 25s il était à 20km d'altitude et avait encore une vitesse de 900m/s. Après 90s l'obus est à son apogée, à 40km d'altitude et 675m/s de vitesse, et commence sa descente. A 20km d'altitude sa vitesse est de nouveau de 900m/s. Freiné dans les basses couches par l'air plus dense, il atteint Paris avec une vitesse résiduelle de 660m/s. Une grande partie de sa trajectoire se trouve dans la stratosphère, et pour le calcul de la trajectoire les ingénieurs durent prendre en compte la rotondité de la terre. Le trajet durait à peu prés trois minutes. 

canon    

Les Bombardements: Les premiers coups furent tirés le 23 mars 1918, deux jours après le début de l'offensive générale de Ludendorff. Le premier eut lieu à 7h16 du matin, puis tous les quarts d'heure un obus tombait, sans que personne ne voit rien dans le ciel. 22 explosions eurent lieu ce jour là. Il fallut se rendre à l'évidence: c'était des coups de canons, tirés à plus de 100km! Ce fut officiel vers 15h, quinze minutes aprés l'explosion du dernier obus. 

Le 24 mars les obus tombèrent de nouveau, mais à une cadence plus rapide, laissant penser qu'il y avait vraisemblablement deux canons. Le 25 six obus furent tirés. Le vendredi 29 (vendredi saint) seul un des quatre obus tirés atteignit Paris intra-muros, mais tuant 75 personnes et en blessant 90 autres dans l'église Saint-Gervais.

Favorisés par le mauvais temps, qui clouait les avions observateurs au sol, les bombardements continuèrent tout le mois d'avril. Ils se turent tout le mois de mai, mais le 27, pour la nouvelle offensive Ludendorff, quinze obus tombèrent. L'artillerie française, qui avait bombardé le site de la Bertha, resta stupéfaite. Un autre site avait été choisi, le bois de Corbie prés de Beaumont en Beine, à 110km de Paris. Le canon avait été rechemisé et tirait désormais du 240. 

Cinq semaines s'écoulèrent. Le canon fut déplacé au bois de Châtel, à 93km seulement de Paris. Les allemands avaient réalisé en effet de gros progrès dans l'art de construire les plateformes. Le canon tonna les quinze et seize juillet, mais dû évacuer suite aux pressions de l'artillerie française. Revenu sur ses positions initiales, le canon tira de nouveau le 5 août, pour cinq jours de bombardements. Menacé par la contre-offensive française, les derniers tirs eurent lieu le 9 août.

Lieux touchés par les bombardements:

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Eclats d'obus retrouvés: surface extérieure rayée (gauche), épaisseur et partie de surface intérieure lisse (droite) - L'illustration 30 mars 1918

Tentative de reconstitution de la trajectoire de l'obus ainsi que de sa constitution (grâce aux fragments retrouvés) - L'illustration 6 avril 1918

Le vendredi saint: S.E. le cardinal Amette, accouru de Notre-Dame où il officiait, fait le signe de croix sur les innocentes victimes du criminel bombardement - L'illustration 6 avril 1918

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Aprés la guerre: Aucune commisssion alliée ne put trouver la moindre trace de ces canons. Ils avaient été complètement démontés et détruits à l'aide de chalumeaux oxycoupeurs! De nos jours de tels super-canons ne représentent plus aucun avantage militaire, car la chaleur qu'ils dégagent les feraient repérer et détruire très vite.

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Ancien emplacement du super-canon:

Dans la nuit du 24 au 25 mars 1918, vers 1h du matin, nous sommes réveillés par un bombardement ; aucun doute, ce sont certaines batteries du camp retranché qui font un tir de barrage. Vers 1h30, la canonnade cesse. Le communiqué du lendemain annonce une alerte n°2, mais ne donne aucun renseignement. (8)

Le 25 mars 1918, 5 obus tombent encore sur Paris entre 6h50 et 7h20. cette fois, on met en pratique l’alerte n°3 pour prévenir les Parisiens du bombardement par canons. Les sergents de ville furent munis de sifflets et de tambours dont les ¾ ne savaient pas se servir. Ce nouveau procédé fit la joie des Parisiens et le ridicule des agents. (8)

Le Vendredi Saint 29 mars 1918, pendant le bombardement, un obus allemand tombe sur l’église Saint-Gervais, près de l’Hôtel de ville de Paris. Un pilier s’écroule entraînant la voûte. Le nombre de morts dépasse 75 et celui des blessés 90. (8)

Le samedi 30 mars 1918, la mairie délivre la carte d’alimentation. Cette carte est individuelle et est établie pour 6 mois. Les coupons  sont numérotés de 1 à 6 chaque mois et s’appliquent à une denrée déterminée. En échange de ces coupons, il sera remis au porteur des tickets de consommation ou des produits chez un détaillant. Le public sera prévenu que tel coupon correspond à tel produit et il n’aura qu’à se présenter dans les endroits désignés. Cette carte d’alimentation est classée par catégorie, selon l’âge, le sexe et les travaux que l’on fait ; exemple : le coupon n°1 du mois d’avril est donné en échange des tickets de pain. La catégorie A touche 300g de pain par jour, la catégorie T en touche 400 grammes. (8)

Le 30 et le 31 mars 1918, les boches tirent toujours avec leur « grosse Bertha » (8)

Le jour de Pâques, 31 mars 1918, quelques jeunes filles quêtent et vendent des billets de tombola au profit de l’œuvre de secours aux prisonniers de guerre du canton de Montmorency. (8)

Le journal officiel publie un arrêté du ministre de la guerre relatif à la délimitation de la zone des armées : le département de Seine et Oise faisant actuellement partie de la zone de l’intérieur est rattaché à la zone des armées. (8)

Si à Paris les départs se multiplient, à Taverny, quelques familles aisées nous quittent soi-disant pour passer leurs vacances au loin ! D’autres préparent leurs valises en cachette ! Allons-nous revoir l’exode de 1914 ? (8)

La nuit du 1er au 2 avril 1918, raid de « Gothas » sur Paris et sa banlieue (le 2 avril 1918, de 3h15 à 4h, nous entendons les tirs de barrage des batteries au Nord-est et à l’Est de Paris. (8)

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