LE FORT DE      

          DOMONT 

      chaudiere a

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LA BOTANIQUE 
En forêt de Montmorency

Au commencement il y avait deux amis, Jean jacques Rousseau et Bernard de Jussieu. Le premier rédige ses principaux ouvrages à l’Hermitage de Montmorency, le second enseigne au jardin du roi. Ensemble ils effectuent de longues promenades en forêt. Nous sommes en 1760, le philosophe repose son esprit tourmenté en s’affairant sur son herbier tandis que le botaniste observe les espèces ignorées, poussant sans soins au bord des chemins. 
 Sur leurs traces en 1779, deux coureurs de futaies, Laurent Antoine de Jussieu et le Père Cotte, vicaire à Montmorency, réalisent un herbier d’une vingtaine de fascicules avec des plantes prélevées exclusivement autour du château de la Chasse.

Voici ce qu’ils découvrent à l’approche de l’étang : l’ail des ours, aux senteurs fortes et aromatiques, embaume la berge. Le carex sous ses formes diverses, carex de Maire, carex puce, s’espace sur le contour. Le carex élevé, à la végétation en rempart, offre un asile aux oiseaux. En surface, l’antennaire dioïque et le ményanthe trifolié tapissent l’onde de verdure tandis que la renoncule aquatique teinte l’ensemble de reflets jaunes. 
 
Ils s’élancent sur le sentier bordé de thym, de serpolet et parsemé de fleurs sauvages. L’ornithogale en ombelle, la dame de onze-heures, entrouvre ses corolles blanches, vertes ou jaunes aux rayons du soleil. L’œillet deltoïde côtoie la chondrille effilée. Le cirse d’Angleterre mélange sa couleur turquoise au muflier rubicond appelé gueule de loup. La bruyère à quatre angles et la bruyère cendrée, aux feuilles aussi fines que des aiguilles, composent des touffes chatoyantes au pied de l’airelle myrtille couverte de fruits rouges. La plus belle des orchidées,  le sabot de vénus, s’intègre librement dans cette mosaïque fleurie.

L’ajonc d’Europe indique le marais où végète les plantes friandes d’eau et de tourbe. La prêle des marécages aux multiples tiges ondoyantes fait de l’ombre à la parnassie « la fleur des poètes ». Les linaigrettes, nourries par le précieux humus, ondulent en houppes cotonneuses. La cinéraire lancéolée ouvre ses pétales d’un bleu profond auprès du sanguisorbe à la feuille rouge carminé. Au milieu du marais serpente le ruisseau, la lysimaque, habillée de petites coupes dorées, trempe ses racines, tandis que le pissenlit palustre plus en retrait montre sa tige fleurie. L’épiaire des Alpes et le lychnis, nielle des blés, s’étalent en herbes denses et touffues. Le boucage à grandes feuilles propage sa senteur forte à l’anis vers les petites clochettes blanches du polygonatum multiflore, le  sceau-de-salomon. 
 
Au dessus du marais pointe la rocaille et la luminosité. Ici et là jaillissent des bouquets de jasione de montagne. Le rossolis carnivore happe les insectes attirés par la grassette commune. La reine des bois, l’aspérule odorante diffuse son parfum capiteux par ses fleurs blanches étoilées. De sa tige racine ponctuée d’une fleur jaune magnifique, le scorsonère humble domine le coqueret alkekenge au calice orangé éblouissant. 

En abordant le relief, ils cheminent entre les fougères, de l’ophioglosse commune, la plus humble, à la majestueuse osmonde royale, les variétés sont multiples. La doradille fougère femelle en impose par son opulence face aux feuillages ciselés des néfrodies fougère-mâle, spinuleuse et thélyptérile. Le polypode lésebli tacheté de  rouille parade entre l’aspidie à cil roide et le blechnum spicant, le meilleur abri de la gent trotte menu. En pénétrant dans le sous bois, un festival de fleur blanche est donné. Les acteurs sont  la pirole, le thésium et le muguet. Le tapis de sol est composé par le lycopode en massue aux  feuilles en écusson très serrées et le buxbaumia foliosa à la petite mousse rougeâtre. La parisette, à la parure verte étoilée où trône un unique fruit le raisin de renard, se répand en abondance sur ce théâtre de verdure.  
 

A la veille de la révolution, Laurent Antoine de Jussieu accompagne ses élèves sur le site de Sainte Radegonde. Manon Roland, en artisan de la beauté, dessine une plante peu connue, découverte dans ce conservatoire de la nature. Bosc est enchanté, il sera naturaliste et reposera pour l’éternité sur ce lieu aimé. 
Au siècle suivant, tous les ans, au printemps, les herboristes se glissent sous la feuillée. La profusion d’essences naturelles incitent les connaisseurs à composer des remèdes. On cueille au solstice d’été, époque où les plantes sont en plein développement. Ce sont les fameuses herbes de la Saint-Jean. Parmi les plus populaires on recherche la camomille, la sauge, la fougère mâle dite racine de Saint-Jean, l’épervière plante du soleil et terreur des démons, l’armoise « la Mère des herbes » surnommée la ceinture de Saint-Jean, et bien d’autres… 
Le temps s’écoule en forêt de Montmorency, peu à peu les herboristes ont déserté le sous bois. Heureusement un témoin, digne représentant de l’idéal de Rousseau, subsiste. Le cimetière de Bosc, niché sur un promontoire, observe les promeneurs en attendant le retour des botanistes.

Antoine Da Sylva 

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